Livres et presse Septembre 2014

Portrait de Laurence Baudelet

Le site Acteurs du Paris Durable à interviewé Laurence Baudelet dans le cadre de la rubrique "l’invité(e) du mois". Une occasion pour l’association Graine de Jardins de promouvoir les jardins partagés sur le web ! Voici l’article !

Diplômée d’ethnologie urbaine et d’urbanisme, Laurence Baudelet est co-fondatrice et coordinatrice de l’association "Graine de Jardins", qui assure la fonction de tête de réseau des jardins partagés d’Île de France. Elle revient sur l’historique et l’évolution de ces jardins particuliers.

Laurence Baudelet a un cursus universitaire en ethnologie urbaine et en urbanisme au cours duquel elle commence à s’intéresser à la nature en ville et plus précisément aux jardins publics puis associatifs. En 1997, elle rejoint le collectif du Jardin dans Tous Ses Etats qui a donné naissance au concept de jardin partagé. En 2001, elle cofonde l’association francilienne Graine de Jardins. Elle poursuit parallèlement une activité de recherche en sciences sociales et d’écriture sur les jardins urbains. Elle est nommée en 2013, membre du Conseil National des Parcs et Jardins (ministère de la Culture).

Graine de Jardins : l’association assure la fonction de tête de réseau régionale pour les jardins partagés d’Ile-de-France depuis sa création en 2001.

Elle a pour mission d’accompagner les projets de jardins partagés franciliens et d’en animer le réseau. À ce titre, Graine de Jardins organise des événements conviviaux et administre un portail internet www.jardinons-ensemble.org comportant notamment un agenda et un annuaire des jardins. L’association représente le réseau du Jardin dans Tous Ses Etats en Ile-de-France et participe à l’organisation de manifestations nationales et internationales.

1/ Quelle est la définition d’un jardin partagé ?

La Charte de la Terre en partage, rédigée en 1997, a servi de matrice au concept de jardin partagé ( www.jardins-partages.org). Dans ce texte, le jardin partagé est défini par la pluralité de ses objectifs qui peuvent être sociaux, écologiques, culturels et artistiques, thérapeutiques ou autres et par une méthodologie de projet qui repose sur l’implication forte des habitants dans la définition des objectifs et des modalités de fonctionnement du jardin. En somme l’idée était de faire du "sur-mesure" adapté à chaque territoire en renforçant la capacité citoyenne.

Ensuite dans la pratique, le concept a été décliné de manières diverses suivant les régions. A Paris, nous sommes restés proches du modèle des "jardins communautaires" new-yorkais, c’est-à-dire de jardins de poche insérés dans les interstices du tissu urbain, ouverts au public à des horaires fixes. Sont venus s’y ajouter des jardins situés dans des parcs publics et sur le patrimoine de bailleurs sociaux.

2/ Comment est né le programme des jardins partagés à Paris ?

Des projets de jardins portés par des associations et des collectifs ont vu le jour dans Paris dès la fin des années 1990 (Papilles et Papillons, Le Jardin Solidaire, Les Jardins du Ruisseau) mais en nombre très restreint. Avec l’élection de Bertrand Delanoë en 2001 et l’arrivée des Verts à la délégation des Parcs et Jardins, des Parisien-ne-s ont pensé que ces projets seraient encouragés et ont envoyé spontanément des dossiers. Vu le nombre de projets reçus dans les premiers mois de la mandature, le cabinet d’Yves Contassot, élu aux Espaces Verts de l’époque, a pris contact avec Graine de Jardins.

Suite à cela, j’ai été chargée d’une mission d’étude avec une autre personne de l’association pour identifier le potentiel de développement des jardins partagés dans Paris. Assez vite il est apparu que le sujet n’était pas consensuel comme on pourrait le penser aujourd’hui. Il divisait aussi bien le cabinet de l’élu que les services des parcs et jardins tant il paraissait « aberrant » que l’on encourage la pratique du jardinage dans Paris. Pourtant l’idée faisait son chemin d’autant que de grandes villes françaises comme Lille, Lyon ou Nantes s’intéressaient à ce mouvement et que des métropoles nord-américaines (New York ou Montréal) avaient déjà des politiques publiques dédiées qui fonctionnaient depuis des années.

Créer un programme pour accompagner le développement du jardinage associatif dans Paris supposait de la part des élus comme des services de changer de regard sur cette ville dense et minérale (la question de la biodiversité urbaine pointait à peine) ; d’offrir un espace de projet aux habitants, à la fois politique et bien réel, et d’inventer une nouvelle catégorie d’espace, à la fois sur le domaine public et privé, qui redéfinisse les liens contractuels entre la collectivité et un partenaire associatif. Certain/e/s en étaient convaincu/e/s, d’autres non. Il a fallu plusieurs mois pour y arriver.

Pratiquement, la difficulté tenait dans l’élaboration d’un cadre juridique suffisamment souple pour inclure des projets de nature différente. Il fallait aussi rendre fluide l’articulation entre le double échelon des mairies d’arrondissement et de l’Hôtel de Ville pour faciliter la mise en œuvre des projets et réduire les délais. Le pilotage du programme Main Verte présentait également un caractère transversal en associant plusieurs directions de la Ville, autre nouveauté ! La conception du programme Main Verte résulte d’un cheminement collectif.

Le programme a été lancé officiellement en juin 2003 avec une ligne de financement spécifique.

3/ Quelle est l’implication des pouvoirs publics locaux ?

Les associations gestionnaires de jardins partagés peuvent difficilement s’affranchir d’un dialogue avec les pouvoirs publics locaux. Il est moins prégnant pour celles qui occupent des terrains d’organismes de logement social ou de copropriétés privées. Ce dialogue est important, il constitue une initiation au fonctionnement de la collectivité pour les habitants. Ils acquièrent à cette occasion des compétences dans le champ de la citoyenneté.

Le portage politique, c’est-à-dire le soutien et l’engagement fort d’un/e élu/e référent/e, voire de l’ensemble de l’équipe municipale, concernant la création de jardins partagés dans la commune ou dans l’intercommunalité, est essentiel pour ces projets. Cela a des répercussions sur l’accès au foncier, sur la mobilisation des services et sur le vote des crédits.

Certaines collectivités ne vont pas au-delà d’un soutien ponctuel, ce qui est en soi précieux. Le stade suivant consiste dans la mise en place de politiques dédiées, incluant les jardins dans une vision du territoire à long terme. Cela suppose d’y consacrer les moyens humains et financiers nécessaires. Il ne s’agit pas seulement du budget d’investissement mais aussi de la possibilité de financer des missions d’accompagnement de projet lorsque c’est nécessaire. Et également de réserver du foncier pérenne car le jeu de chaises musicales d’un terrain à l’autre a ses limites. En retour, il est évident que ces politiques ont un effet démultiplicateur et ont prouvé leur efficacité à Paris ou ailleurs.

4/ Comment s’est développé le réseau des jardins partagés en Île-de-France ?

Nous avons actuellement 150 jardins partagés répertoriés dans l’annuaire en ligne sur notre portail. Il y en a sans doute plus. Il y en avait moins de 10 au début de la décennie 2000. La croissance du réseau est rapide, à raison d’une trentaine d’ouvertures annuelles, pour beaucoup en pied d’immeubles de logements sociaux. Cela positionne notre région parmi les plus dynamiques en France avec la région Rhône-Alpes.

Les jardins se trouvent concentrés pour la majorité d’entre eux, dans Paris et en Seine Saint-Denis, dans la partie nord-est, très urbanisée, de l’agglomération où l’on manque d’espaces verts.

On voit maintenant se développer des projets en deuxième et troisième couronne à l’initiative d’associations, de collectivités et de bailleurs sociaux. Le Conseil Régional d’Île-de-France a créé une ligne de subventions en investissement appelée Jardins Solidaires, pour aider à la création de jardins associatifs. Malgré cela, les restrictions budgétaires actuelles freinent un certain nombre de projets.

5/ Quelle évolution pour les jardins partagés en région parisienne et les perspectives en matière d’agriculture urbaine ?

Le mouvement va sans doute continuer de s’étendre car les jardins partagés répondent plus que jamais à une série d’enjeux contemporains : besoin de créer des liens sociaux, d’être en relation avec le vivant en ville, d’avoir des loisirs gratuits de proximité qui conviennent à tous les âges, de favoriser la biodiversité urbaine, de lutter contre l’effet « ’îlot de chaleur » et bien sûr de renforcer l’autonomie alimentaire des habitants. Mais sur quel foncier ? Les espaces libres des logements collectifs et des copropriétés représentent des gisements fonciers importants. Les toitures et terrasses aussi dans une moindre mesure.

Le plus difficile sera de conserver des jardins accessibles sur rue, implantés sur des terrains constructibles. Le parti pris de la densification, qui a des vertus par ailleurs, ne penche pas en faveur de leur maintien. Ils sont pourtant des équipements de quartier d’un type nouveau, socio-écologiques avec une dimension artistique et culturelle.

Les jardins partagés participent pleinement de l’agriculture urbaine, un terme qui fait florès aujourd’hui. Nous avons besoin aujourd’hui d’une réflexion à l’échelle métropolitaine pour la développer et la mettre en synergie avec les actions concernant le climat et la biodiversité.